Immersif est le mot du moment. Expérience immersive, retail immersif, e-commerce immersif…. Son omniprésence dans le lexique du retail semble en avoir fait l’alpha et l’oméga de toute bonne démarche retail. Un usage à tout-va qui rend sa définition et l’appréhension de ses formes floues, recouvrant pèle-mèle maintenant les notions d’expérience extraordinaire, de lieu inédit, de digitalisation de l’univers marchand et de virtualité. Un petit effort de sémantique et de taxinomie s’impose pour tenter de clarifier cette notion et d’identifier les grands leviers de l’immersivité.

 

 

Apparu en 2008 à l’avènement de Second Life, le terme immersif qualifiait alors une expérience online virtuelle d’un nouveau genre, avant d’infuser plus largement vers 2013 dans la culture populaire et les médias et de trouver semble t-il aujourd’hui son acmé dans la réalité augmentée.

Etre immergé signifie étymologiquement être plongé dans un liquide. Et c’est cette sensation de se retrouver dans un état discordant de “déplacement” qui intéresse les acteurs du design expérientiel. Autrement dit, placer en rupture sensorielle par rapport à un environnement connu ou attendu. Le son, la vue, la tactile, l’image 3D ou la VR procurant abondance de stimuli pour parvenir à l’immersivité.

L’immersivité prend cependant de nouvelles formes qui challengent cette seule approche multi-sensorielle. L’émergence des théatres immersifs qui s’inscrivent dans la tendance du “live entertainement” ne relèvent pas de l’artificiel mais bien du “réel”.  Une nouvelle immersivité qui ne repose plus uniquement sur le seul déplacement sensoriel mais s’attache désormais à fixer l’attention dans un moment précis. 

En effet, conséquence des modes de vie connectés, la norme de l’attention est d’être devenue “constamment” partielle. Alors que l’utilisateur FaceBook s’y connecte en moyenne 14 fois par jour et y passe 1h45 en moyenne cumulée et l’utilisateur de smartphone le consulte en moyenne toutes les 10 mn pour une durée inférieure à 30s, l’attention superficielle permanente à de nombreuses sources d’informations n’est pas un oxymore mais une réalité.

Le retail n’échappe pas à l’enjeu. Fixer – durablement – l’attention dans une situation donnée qui fasse oublier qu’on est peut-être en train de rater quelquechose de plus intéressant sur les réseaux sociaux, donne un sens nouveau et élargi à l’immersivité: l’expérience d’être pleinement présent.

Les nouveaux concepts retails reflètent ce glissement, associant aux procédés d’engagement sensoriel du shopper, les technologies digitales pour un parcours d’achat intégré et homogène et pour une expérience immersive continue et sans diversion. 

Du plus “made more real” au plus virtuel, de l’ultra-narratif à la disparition, revue des leviers retail pour garder le shopper (pleinement) immergé…

 

L’ailleurs, c’est ici

Ramener ce qui est attendu ailleurs ici.  Le retail immersif se nourrit du désir d’ubiquité en téléportant le visiteur-client là où il ne pourrait être.

Illustration avec l’Adidas Stadium flagship store. Un stade high school de 4000m2 transporté au coeur de New York. Tunnel d’entrée, vestiaires, installations d’entrainement jusqu’aux gradins, pistes de tests produits, consultations fitness… Mélange d’éléments authentiques, d’un style visuel NYC sports et de zones “work in progress”, c’est une narration à l’échelle de l’univers du stade autour duquel gravite Adidas, qui se construit à chaque touch-point, certains plus réalistes et littéraux, d’autres plus conceptuels mettant en avant l’innovation.

Le temple du son connecté Sonos à Soho invite chaque visiteur à une expérience immersive and exploitant sa matière première – le son – combiné aux capacités du digital. Six cahutes insonorisées “comme des pièces de la maison” permettent de reconstituer les conditions accoustiques de son domicile et faire son choix dans des conditions réelles d’utilisation. Où comment déplacer son chez soi dans le store.  Confortablement installé, le visiteur choisit film ou musique via une tablette dédiée. Les catalogues de musique en ligne sont accessibles. Le morceau sélectionné peut ensuite être comparé sur les 3 systèmes de la marque. L’ambiance d’éclairage est synchronisé à la musique, procurant une expérience visuelle accentuant l’immersivité. Les équipes de vente mobiles dans le magasin gérent toutes les demandes clients où qu’ils soient dans le magasin pour parer à tout temps mort et risque d’évasion. Un lounge vintage capte les visiteurs de passage, leur offrant un lieu où se relaxer en écoutant de la musique avec tourne-disque, vinyls et cassettes.

Adidas Stadium – Agency Gesler : Photography Dirk Tacke
Adidas Stadium 2 – Agency Gesler : Photography Dirk Tacke
Adidas Stadium 3 – Agency Gesler : Photography Dirk Tacke
Adidas Stadium 4 – Agency Gesler : Photography Dirk Tacke
Sonos – Source thespaces.com : Photography Mel Yates
Sonos – source thevinylfactory.com

 

Le grand terrain de jeu de la fiction

La fiction est un autre levier fort de l’immersivité. En première ligne, les marques opérant sur les marchés du jeu et de l’imaginaire, Lego en tête avec des concepts stores qui transportent dans un Lego Land géant. Immersivité par la couleur et par le changement d’échelle pour le visiteur se trouvant réduit à la taille des figurines, où l’inverse. Mais aussi par le digital, la “digital box” permettant, lorsqu’il présente une boite de Lego devant un écran, de voir la construction s’afficher en 3D grace à la réalité augmentée.

La marque fashion Monki du groupe H&M qui mixe le cool scandinave avec l’énergie du street style asiatique joue à fond l’immersivité sur le mode “fantasy” dans ses boutiques autour d’un concept retail “fun fair”.  Un joyeux bazar où l’insolite à chaque détour fait de la diversion permanente le levier d’immersivité.

Mais la fiction n’est pas l’apanage des marques jeunes, ludiques ou décalées. Pour l’ouverture de son concept store à New York, Dyson transporte dans un magasin conçu comme un vaisseau de fiction futuriste. Un monumental Dyson “Digital Motor” accueille les visiteurs. En écho aux plots d’exposition produits, des démonstrations interactives font rentrer en mode labo-spatial dans la science au coeur des produits.

Lego Store – Source Lego
Lego store 2 – Source www.lego.com
Monki – Source fashionunited.uk
Monki – Source timeout.com
Dyson NY store – Source racked.com : Photography Tiffany Sage : BFA.com
Dyson NY store – Source retailwire.com : Photography Dyson

 

L’immersion par la disparition

Le concept-store de Dust à Melbourne a inauguré un nouveau genre d’immersivité en abolissant les frontières entre la production et la distribution de vêtements. OVNI hybride entre galerie et atelier,  une matrice métallique sert de toile de fond à l’espace sans servir le propos habituel de théatralisation de l’offre. Les clients sont invités à voir les vêtements comme de supports physiques avant de choisir leur customisation via une tablette et d’attendre ensuite leur réalisation sur place. L’immersivité se joue à la fois dans la rupture à tout code classique du retail, les stimuli visuels, sonores et olfactifs et le digital amenant toute la flexibilité du shopping online et la gratification immédiate de l’achat in-store.

Dust store – Source thecreativeissue.com.au
Dust store – Source frameweb.com : Photography Tobias Titz

 

De l’art et de l’augmentation

L’art serait-il le nouvel Eldorado de l’immersivité? Certains courants artistiques portent intrinsèquement la capacité à extraire du réel et à “aspirer”. Le surréalisme, l’abstraction et l’art cinétique ont toujours joué avec le déplacement du réel. La danse est maintenant appellée au service de l’expérience immersive.

Démonstration puissante avec la collaboration de Barney’s avec The Marta Graham Dance Company au travers d’un film utilisant une caméra à 360 en réalité virtuelle qui met le spectateur au centre de la pièce et dans une position vers laquelle les danseurs s’orientent, créant une intéraction et un ballet à chaque fois différent entre les danseurs et le public… d’une seule personne. Ceux-ci ont revêtu les créations de fashion designers pointus (Prabal Gurung, The Row, Rick Owens et Loewe) dans des tableaux évoquant les grands archétypes à l’oeuvre pour chacun: Power, Etheral, Possessed et The Cleaner.

 

 

Il n’y a donc plus d’entre-deux entre physique et digital à l’immersivité. Les concepts retails immersifs sont plus pointus et poussés à leur paroxysme. Chaque magasin doit être un changement de monde. Si le design y travaille, la personnalisation des expériences que permettent les nouvelles technologies achève de faire exploser les codes traditionnels du retail et repousse encore les exigences de l’immersivité.

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